Madame Mathieu a fêté son centenaire
Née le 25 juillet 1924 à Gespunsart, Mme Elisabeth Mathieu née Poncelet vient de fêter ses 100 ans, entourée de ses proches et mise à l’honneur par la municipalité le dimanche 28 juillet.
Comme sa mère, Jeanne Berger, qui a vécu jusqu’à « 101 ans moins un mois », elle a un siècle de vie à raconter.
« Je n’ai pas l’impression d’avoir 100 ans… Peut-être dans mon corps, mais pas dans ma tête ! » dit-elle en riant.
« J’ai vécu une enfance toute simple, fille de cultivateur-brasseur. On avait une petite brasserie de bière en tonneaux et en même temps on était cultivateurs pour faire un complément ».
Elisabeth était scolarisée à Gespunsart jusqu’en 6ème où elle a intégré le pensionnat de Sugny en Belgique, pendant 5 ans. Je ne garde pas un bon souvenir… C’était dur, c’était sévère. Puis on ne revenait pas souvent, 3 à 4 fois par an. Quand je venais me promener à Pussemange et que j’apercevais un petit bout de Gespunsart, j’avais mal au cœur… d’y être si près ! ».
Elle restera au pensionnat jusqu’à 16 ans. Arrive alors une période douloureuse : la seconde guerre mondiale. « C’est indélébile, même si ça s’estompe avec le temps » confie-t-elle.
« Le matin du 10 mai 1940, on nous a fait repartir à la maison parce qu’il y avait l’invasion des allemands en Belgique. Nous sommes partis le 12 mai dans la nuit avec une charrette, un cheval, et nous marchions pour laisser la place à des handicapés sur la charrette. »
Elisabeth est donc partie avec sa mère, sa sœur, ses 2 frères, un oncle et une tante. « Pas mon père qui était officier de réserve. A 47 ans, il a été rappelé. »
« J’avais un petit frère de 5 ans. Quand il y avait des bombes, maman mettait Jean sous elle pour le préserver… On sentait les choses qui tombaient autour de nous… » explique-t-elle avec émotion.
Ils sont d’abord allés chez un oncle dans la Marne « eux ils avaient des tracteurs déjà », puis ils sont partis pour Provins, ensuite Paris
« on nous a parqués dans un camps une nuit ou deux », puis Blois pendant 2 semaines, pour terminer dans les Deux Sèvres à Bressuire. « Nous sommes restés pendant 15 mois. Le curé de Gespunsart nous avait trouvé un patronage. Il n’y avait aucun meuble, il a fallu tout acheter. »
Jusqu’au jour où « Le cadre Noir de Saumur, des cavaliers, ont voulu libérer Bressuire. Maman a été les supplier, elle a dit : « non, on vient de passer sur les routes, et toutes les bombes… » On a été vraiment anéantis » affirme Elisabeth.
Malgré les supplications de sa mère, la bataille a commencé.
« Là-bas il n’y avait pas de cave. Heureusement on habitait en face la Caisse d’Epargne et ils en avaient une. Quand ils ont vu que la bataille arrivait, ces gens-là nous ont permis d’y aller. Nous étions 20. A un moment, il y a un obus qui est tombé dans le salon et qui n’a pas explosé. Il est tombé sur la table, juste au-dessus de nous. On a eu de la chance ! »
Son père a pu venir les retrouver 9 mois après leur arrivée à Bressuire, démobilisé car papa de 4 enfants. « Mon oncle et ma tante sont repartis pendant l’hiver 40 pour essayer de remonter la ferme. Ils avaient faim, on leur envoyait du beurre. »
Elisabeth et sa famille sont revenus à la ferme à Gespunsart pour la rentrée scolaire 41. « Je devais passer mon brevet élémentaire… Bien entendu je l’ai loupé ! Je suis restée ici en aidant à la ferme jusqu’à ce que je rencontre mon mari Paul Mathieu, brasseur à Gespunsart, qui rentrait de 5 ans de captivité. »
Une rencontre faite grâce à son père, qui « était avec lui sur la ligne Maginot. Ils se voyaient tous les jours. Moi je ne le connaissais pas car Paul avait 10 ans de plus que moi. »
Ils se sont mariés le 27 décembre 1945 et ont eu 2 fils : Pierre en 1947 et Dominique en 1950.
« J’ai eu une vie de femme au foyer toute simple, avec beaucoup d’amis surtout. Avec mon mari on allait aux champignons. On avait une camionnette 2 chevaux. Il n’aimait pas trop partir en vacances sauf dans la Somme » rendre visite à leur fils Dominique. Paul est décédé en 1996.
« On avait des vies plus simples que maintenant mais je crois qu’on était aussi heureux. »
Elisabeth a donné des cours de catéchisme durant 40 ans.
Elle aimait jardiner -surtout les fleurs-, s’occuper des petits-enfants pendant les vacances, faire du tricot « je tricotais bien, sans me vanter ! Ça occupait l’après-midi en écoutant la radio où en discutant avec des amis ».
Elle avait une passion, la lecture, que sa vue ne lui permet plus d’assouvir. « J’adorais lire, ça c’est un sacré sacrifice ! ».
Elle a pris l’avion pour la 1ère fois à 74 ans avec ses enfants qui l’ont emmenée en Sicile, en Turquie… « Ils ne m’ont jamais abandonnée ! » assure-t-elle. Elle est fière de ses fils ainsi que de ses 7 petits-enfants et 13 arrières petits-enfants.
Aujourd’hui Elisabeth occupe toujours bien ses journées « je fais mon lit, je passe le chiffon, je fais mes repas en partie -l’épluchage est difficile. J’ai une aide à domicile et souvent mon fils, Pierre. De temps en temps il me fait le tour du village en voiture ! ».
Une dame pleine de joie de vivre qui, avec sa « vie toute simple » mais néanmoins chargée d’Histoire, nous fait entrevoir la recette d’une longue vie heureuse avec force et humilité.
Comme l’a évoqué Gilles Michel : « Nous mesurons l’espace-temps parcouru. Vieillir ce n’est ni renoncer, ni résister, mais accepter de vivre toutes les étapes de la vie en conscience. […] Nous sommes heureux de vous rendre hommage en faisant de cet anniversaire un véritable évènement tant il est exceptionnel.